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15 ans après, Serge Akakpo brise enfin le silence sur l’attentat de Cabinda
Il y a 15 ans, le 8 janvier 2010, l’équipe nationale togolaise, les Éperviers, vivait un cauchemar. En route pour la Coupe d’Afrique des Nations à Cabinda, leur bus était mitraillé par des membres du Front de libération de l’enclave de Cabinda (FLEC). Après des années de silence, Serge Akakpo, ancien défenseur togolais présent ce jour-là, revient sur cet événement au micro de Jeune Afrique.
Ce matin-là, tout semblait normal. Akakpo, alors joueur du FC Vaslui en Roumanie, avait reçu un appel de son entraîneur lui souhaitant bonne chance pour la CAN 2010, où le Togo devait affronter le Ghana, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire.
Après des matchs amicaux au Congo, l’équipe traversait la frontière angolaise avec une escorte imposante : plusieurs 4×4 et des soldats lourdement armés. « On a pensé que c’était juste la routine pour une compétition comme ça, » se souvient-il. Mais quelques minutes après avoir pénétré la forêt de Cabinda, tout a basculé.
Une demi-heure sous le feu
Alors qu’il écoutait de la musique au casque, Serge Akakpo a perçu des sifflements inhabituels, bientôt suivis de bruits de verre brisé. « Au début, j’ai cru à des supporters qui lançaient des pierres, » raconte-t-il. Puis la réalité s’est imposée : des roquettes et des rafales de mitraillettes.
Le bus a zigzagué avant de s’arrêter, le chauffeur mortellement touché. « Je me suis pris deux balles dans le dos en essayant de me coucher au sol. Il n’y avait pas assez de place pour se cacher, » explique-t-il. Kodjovi Obilalé, le gardien, le docteur, un membre du staff et l’attaché de presse ont aussi été atteints. « Ça a duré une éternité. On priait pour en sortir vivants. »
Un sauvetage chaotique
Au milieu du chaos, un homme en rangers est monté dans le bus, brisant une vitre pour riposter aux assaillants. « On ne savait pas s’il était avec nous ou contre nous, » ajoute Akakpo. Les tirs ont fini par cesser, laissant derrière eux un bilan tragique : deux morts, dont l’entraîneur adjoint Abalo Amélété et l’attaché de presse Stanislas Ocloo, et plusieurs blessés graves.
Obilalé, touché, ne rejouerait plus jamais. Serge Akakpo a été évacué vers un dispensaire, puis un hôpital angolais, avant un transfert à Lomé et en France pour sa rééducation.
Le football comme bouée pour Serge Akakpo
Quinze ans plus tard, les cicatrices restent visibles. « J’ai repris le foot en avril 2010. C’est ce qui m’a sauvé, ça m’a donné un but, » confie-t-il. Sans thérapie, il parle pourtant rarement de l’attentat : « Les gens évitent le sujet, comme s’ils craignaient de remuer quelque chose. »
Les bruits forts, comme les feux d’artifice, le troublent encore, et il fuit les foules. À son fils, qui remarque les marques dans son dos, il dit pour l’instant que ce sont des « blessures de foot« . « Un jour, quand il sera prêt, je lui raconterai tout, » promet-il.
Quinze ans après, Serge Akakpo livre une vérité brute, celle d’un survivant qui a transformé la douleur en résilience grâce au sport qu’il aimait.