
Comment le Maroc a bâti une puissance footballistique en dix ans ?
Pendant longtemps, le football marocain a alterné entre éclats passagers et longues périodes de stagnation. Mais en une décennie, le royaume a métamorphosé son modèle pour devenir un acteur central sur le continent. De la refonte des structures à l’éclosion d’une génération compétitive, le Maroc a redéfini les standards du football africain. Cette progression, construite étape par étape, a trouvé son sommet au Qatar. Pourtant, tout a commencé bien plus tôt, dans l’ombre.
Entre espoir et déclin
Entre 1999 et 2004, le Maroc garde un certain standing. L’équipe reste présente dans les grandes compétitions et atteint la finale de la CAN 2004, perdue face à la Tunisie. Ce bon parcours permet au pays de maintenir un classement honorable au niveau continental et mondial. Mais cette dynamique ne dure pas. Dès 2005, les résultats se dégradent. Le Maroc ne parvient pas à franchir les caps attendus, échoue à plusieurs qualifications et multiplie les sorties précoces.
À mesure que les années passent, le recul devient flagrant. Fin 2010, la sélection plonge à la 79e place du classement FIFA, avec une 19e place continentale. Le système est en panne. L’encadrement manque de stabilité, les centres de formation peinent à produire, et la fédération reste figée. Le pays glisse vers l’oubli sur la scène internationale.
La méthode Lekjaa
Sous l’impulsion de Fouzi Lekjaa, la Fédération royale marocaine de football change de cap. Exit les coups de poker, place à une stratégie fondée sur la formation, l’organisation et la vision à long terme. Avec l’appui du roi Mohammed VI, des projets structurants voient le jour : l’Académie Mohammed VI, lancée dès 2009, devient un modèle du genre. Le Centre technique de Maâmoura se dote d’installations ultramodernes, saluées par la FIFA. Des centres régionaux sont créés, visant à uniformiser le niveau des jeunes à travers le pays.
Le rôle des talents de la diaspora
Parallèlement, le Maroc entame un travail ciblé de recrutement dans sa diaspora européenne. De nombreux binationaux rejoignent les Lions de l’Atlas, apportant une dimension technique et physique rarement égalée. Ce choix stratégique élargit le vivier disponible et renforce la concurrence interne. Le collectif en sort grandi, mieux structuré, plus exigeant. Cette nouvelle identité repose sur une double culture, à la croisée des traditions africaines et de l’exigence européenne.
Changement sur le banc
Le choix des entraîneurs joue aussi un rôle central. Hervé Renard stabilise l’équipe entre 2016 et 2019. Il qualifie le Maroc pour le Mondial en Russie, mais l’équipe ne passe pas les poules. Vahid Halilhodžić lui succède, avec des résultats contrastés. Malgré une qualification pour le Mondial 2022, ses décisions créent des tensions. Il quitte son poste avant le tournoi.
La nomination de Walid Regragui change la donne. Ancien joueur international, récent vainqueur de la Ligue des champions africaine avec le Wydad, il fédère rapidement. Il apporte un discours clair et une gestion humaine. L’équipe retrouve de la stabilité.
L’épopée au Qatar
En 2022, la sélection explose aux yeux du monde. Le Maroc sort d’un groupe relevé en dominant la Belgique, en battant le Canada, et en accrochant la Croatie. En phase finale, il élimine successivement l’Espagne et le Portugal. L’équipe atteint les demi-finales, une première pour une nation africaine et arabe. Le collectif, discipliné et solide, impressionne. Le Maroc termine quatrième du tournoi. Cette performance marque un tournant.
Des résultats continentaux en demi-teinte
Sur le continent, les résultats sont plus irréguliers. À la CAN, le Maroc reste souvent en retrait. Éliminé dès les huitièmes en 2019, battu en quarts par l’Égypte en 2022, puis sorti en seizièmes en 2023, il n’a pas encore confirmé au niveau africain. En revanche, en qualifications, le bilan est solide. Le Maroc termine facilement premier de sa poule pour la CAN 2025 qu’il organisera, et reste invaincu dans les éliminatoires du Mondial 2026.
La richesse du football local
Le Maroc ne se repose pas uniquement sur ses expatriés. En 2018 et 2020, la sélection A’ remporte deux fois le CHAN. Ce tournoi réservé aux joueurs locaux montre la qualité du championnat national. En battant des nations comme le Nigeria et le Mali, le Maroc confirme la richesse de son réservoir local. Ces succès confortent la stratégie mise en place depuis dix ans.
Classement et reconnaissance
La progression se mesure aussi aux classements. En avril 2022, le Maroc atteint la 10e place mondiale, son meilleur classement FIFA. En 2025, il reste solidement installé dans le top 15, occupant la 12e position au niveau mondial et la première sur le continent. Depuis fin 2022, aucune sélection africaine ne l’a détrôné. Cette stabilité confirme la solidité du projet.
L’effet d’entraînement sur l’Afrique
Ce renouveau marocain a eu un impact direct sur l’ensemble du continent. Le parcours de 2022 au Qatar a modifié les mentalités. Il a démontré qu’une nation africaine pouvait rivaliser avec les meilleures, à condition de s’en donner les moyens. Cela a stimulé d’autres fédérations, incité à investir dans les académies, à revoir les politiques de recrutement. La dynamique enclenchée dépasse les frontières du royaume.
En 2025, le Maroc continue de s’imposer comme terre d’accueil du football africain. Le pays a organisé la la Ligue des champions féminine (en 2024) la CAN U17 (en 2025) et la CAN masculine prévue en fin d’année. Ces événements confirment son poids dans la sphère continentale. Cette capacité d’organisation repose sur un réseau d’infrastructures solides, comme les stades Mohammed V à Casablanca, Ibn Battouta à Tanger, Adrar à Agadir ou encore Moulay Abdallah à Rabat. Modernes et homologués, ces enceintes permettent au Maroc de recevoir les grandes compétitions avec des standards élevés.
Une décennie de référence
De 2014 à 2025, le Maroc est passé du statut d’outsider à celui de favori. Une mue portée par des dirigeants ambitieux, des joueurs talentueux et une politique volontariste. Aujourd’hui, le pays s’apprête à accueillir la CAN 2025, puis à co-organiser la Coupe du monde 2030. Le football marocain ne se contente plus de suivre le rythme, il l’impose. Cette décennie restera comme celle où le royaume a pris les rênes du football africain – et s’est offert une place de choix sur l’échiquier mondial.