
Wydad vs Raja : Les supporters boycott le derby de Casablanca
Un derby d’habitude bouillant, plongé dans une ambiance glaciale
L’un des événements sportifs les plus attendus au Maroc, le derby de Casablanca opposant le Raja et le Wydad, se tiendra cette fois dans une atmosphère inédite. Prévu pour ce samedi 12 avril (20H) au stade Mohammed V, récemment rénové et disponible à nouveau, ce choc emblématique risque de se dérouler devant des gradins presque vides. Les tribunes qui vibrent d’ordinaire au rythme des chants, des tifos et de la ferveur populaire resteront étrangement silencieuses. En cause, le boycott annoncé par les groupes ultras des deux clubs : Green Boys et Eagles côté Raja, Winners côté Wydad. Réunis jeudi avec les autorités locales, ces groupes ont réitéré leur décision ferme de ne pas assister à la rencontre. Les tentatives de la Wilaya (Chef lieu désigné par le roi du Maroc ) de Casablanca pour désamorcer la situation n’ont pas suffi à les convaincre. Selon un ancien membre des Winners : « À chaque événement majeur, on nous utilise comme vitrine. Puis une fois la photo prise, on nous renvoie au silence. » L’accumulation des frustrations, restrictions de déplacement, arrestations jugées arbitraires, poursuites judiciaires, a fini par provoquer une rupture nette. Ce derby sans passion est la preuve d’une scission dans la relation entre les supporters et les institutions du football marocain.
Une rupture alimentée par des frustrations profondes
Ce mouvement de protestation n’est pas le fruit d’un simple caprice ou d’une réaction isolée. Il s’agit d’un rejet assumé, nourri par un sentiment d’injustice grandissant depuis plusieurs mois. Pour les groupes ultras, trop c’est trop. Les mesures sécuritaires de plus en plus strictes, les arrestations perçues comme arbitraires, et les poursuites fondées sur l’article 507 du Code pénal ont installé un climat de tension permanente. Par leur refus d’assister au derby, ils dénoncent une marginalisation continue. Ce n’est pas seulement l’organisation du match qui est visée, mais une gestion globale jugée méprisante à leur égard. « Ce silence est une réponse au mépris », affirment-ils à travers leur démarche, dont un communiqué conjoint devrait être diffusé sous peu. La Fédération, qui comptait faire de cette rencontre un symbole du renouveau du stade Mohammed V en vue de la CAN 2025, voit son projet d’image terni. Car cette colère dépasse largement les frontières du terrain. L’exclusion de Casablanca de l’organisation de la Coupe du monde 2030, la promesse d’un nouveau stade éloigné à Ben Slimane et le manque de soutien institutionnel aux clubs locaux sont autant de motifs de rancœur. Les supporters ne se sentent plus entendus, encore moins considérés.
Un message fort lancé par les cœurs battants du derby
Le poids de ce boycott se fait déjà ressentir. Alors que les billets sont habituellement écoulés en quelques heures, plusieurs milliers restent invendus, notamment dans les virages nord et sud, fiefs des groupes ultras. Le derby de Casablanca n’est pas un match comme les autres : il vit à travers l’énergie de ses supporters, leur créativité, leur passion. Privée de cette âme, la rencontre risque de se transformer en simple opposition technique, dénuée de tension et d’émotion. Pour les groupes de la curva Nord et de la curva Sud, cette action est bien plus qu’un refus : c’est une déclaration d’existence. « Les ultras de la curva Nord et la curva Sud ne sont pas de simples spectateurs qui viennent au stade mais ils sont le cœur battant du derby et exigent que les autorités les écoutent. Ce boycott n’est pas une simple protestation c’est une revendication de leur place dans l’histoire du football marocain. » Ce cri du cœur, chargé d’émotion et d’histoire, interpelle l’ensemble des décideurs. En désertant les tribunes, les supporters envoient un signal puissant : sans eux, le football marocain perd son souffle, son âme, et son identité la plus vibrante.