
32 ans d’indépendance, cinq ans d’absence : l’Érythrée rejoue enfin à domicile
Cinq ans après son dernier match officiel, la sélection nationale érythréenne de football fait son grand retour. À l’occasion du 32ᵉ anniversaire de l’indépendance de l’Érythrée, proclamée le 24 mai 1993, le pays organise un mini-tournoi amical à Asmara, sa capitale. Ce tournoi rassemble le Niger, le Soudan du Sud et les Red Sea Boys, qui n’ont plus foulé la pelouse depuis une lourde élimination en qualifications pour la Coupe du Monde 2022 face à la Namibie (4-1 en score cumulé). Depuis ce revers en septembre 2019, un seul match amical a été disputé, contre le Soudan en janvier 2020. Ensuite, plus rien. La fédération est restée muette, les terrains sont restés vides, et les supporters, silencieux mais fidèles, ont attendu ce moment de renaissance avec un mélange de nostalgie et d’espoir. Ce tournoi est bien plus qu’un retour sportif : c’est une forme de réapparition sur la scène internationale.
L’ombre du contexte politique et la peur des défections
Si l’Érythrée s’est effacée du paysage footballistique ces dernières années, ce n’est pas par manque de talents ni de passion. Le contexte politique du pays a souvent dicté les décisions de la fédération, notamment après plusieurs épisodes de défections. En 2019, lors de la CECAFA Cup, sept joueurs avaient profité du tournoi en Ouganda pour demander l’asile. Deux ans plus tard, cinq joueuses de la sélection U20 ont également disparu durant un rassemblement à l’étranger. Ces incidents ont renforcé la méfiance des autorités, qui ont depuis privilégié la prudence au risque de l’humiliation. Craignant de nouveaux départs, le pays a renoncé à toute participation officielle, y compris à un tour préliminaire du CHAN contre l’Éthiopie. Aucun joueur de la diaspora ou évoluant à l’étranger n’a donc été convoqué. Cette situation a privé l’équipe de figures montantes comme Ali Sulieman ou Robert Teklemichael, pourtant considérés comme des espoirs du football régional.
Un symbole de résilience et un nouveau départ espéré
Ce mini-tournoi n’est pas seulement un événement sportif : c’est une main tendue vers l’avenir. Loin des projecteurs internationaux, les Red Sea Boys auront enfin l’occasion de montrer qu’ils existent encore, qu’ils ont survécu à l’oubli et aux doutes. Malgré les restrictions et le repli, des talents continuent d’émerger en Érythrée et dans ses clubs voisins. Robert Teklemichael, par exemple, a été élu meilleur joueur de la CECAFA Cup 2019 et suscite l’intérêt de clubs européens. Pourtant, il n’a pu concrétiser aucun transfert. Le retour de la sélection sur ses terres, même sans ses meilleurs éléments, est un signal fort : celui d’un peuple et d’une équipe qui refusent de disparaître. Ce tournoi, organisé dans le cadre des festivités de l’indépendance, offre une chance à toute une génération de joueurs de faire renaître la fierté nationale. Le ballon reprend enfin sa place, pour une possible reconquête.