
Inaction face à l’agression sexuelle : L’échec inacceptable de la Fédération Malawite de Football.
Une tournée sportive entachée par un acte intolérable
En février 2025, l’équipe nationale féminine du Malawi, surnommée les Scorchers, s’envole pour la Zambie afin de disputer deux matchs amicaux. Mais derrière ce voyage sportif, une tragédie se dessine dans l’ombre. La responsable de la délégation rapporte avoir été victime d’une agression sexuelle commise par Daud Mtanthiko, membre du Comité exécutif de la Fédération Malawite de Football (FAM). Selon son témoignage, il aurait tenté de la piéger dans sa chambre d’hôtel en l’attirant avec une fausse promesse d’argent, avant de pénétrer de force dans la sienne, d’enlever son pantalon et de la saisir violemment. Paniquée mais lucide, elle refuse, se défend et menace d’appeler à l’aide. L’agresseur recule, mais la blessure morale reste profonde. Dans un premier temps, la victime alerte les coachs présents, Lovemore Fazili et Maggie Chombo, qui ne prennent aucune mesure. La fédération, informée, choisit elle aussi de garder le silence. Isolée, ignorée, la victime finit par se confier à un média zambien, Bola News, pour briser ce silence étouffant. Son témoignage bouleverse et relance un débat trop longtemps étouffé : celui des violences sexistes dans les institutions sportives africaines, et du silence complice qui les entoure.
Quand l’institution choisit de se taire face à l’inacceptable
Alors que l’agression aurait pu sombrer dans l’oubli, la médiatisation de l’affaire fait éclater la vérité. Pendant deux longs mois, la FAM garde le silence. Ce n’est que sous la pression du COSAFA (le Conseil des associations de football en Afrique australe ) et de la presse que l’organisation publie, le 15 avril, un court communiqué qui annonce l’ouverture d’une enquête formelle. Mais cette déclaration apparaît davantage comme une stratégie de communication que comme un geste sincère de justice. Le public malawite, choqué d’apprendre que les faits datent de février, s’indigne du silence prolongé de la fédération, et de son refus de dévoiler le nom du dirigeant impliqué. Interrogé par Bola News, le président de la FAM, Fleetwood Haiya, affirme n’avoir appris l’affaire qu’à travers les médias. Une version difficilement défendable, étant donné que les informations circulaient déjà en interne depuis plusieurs semaines. Ce décalage entre la version officielle et la réalité des faits renforce la défiance envers une institution perçue comme protectrice de ses membres, plutôt que de ses athlètes. L’indignation publique, nationale comme régionale, révèle un besoin criant de transparence et de responsabilité dans le sport africain.
Fleetwood Haiya, élu président de la FAM en décembre 2023 après avoir mis fin aux 19 années de règne de Walter Nyamilandu, portait l’espoir d’un renouveau. Son programme, intitulé « Transform the Game », promettait intégrité, égalité et modernisation. Mais ce scandale révèle la fragilité de ces promesses face à une réalité institutionnelle profondément enracinée dans la culture du silence et de l’impunité. Comment croire en une transformation du football si les femmes qui en sont les ambassadrices peuvent être agressées sans réponse ? Le contraste est brutal, d’autant plus que les Scorchers sont des figures emblématiques au Malawi, portées en héroïnes après leur triomphe au COSAFA 2023. La gestion de cette affaire trahit leur confiance et celle de toute une nation. Sans la pression du COSAFA et la bravoure de la victime, rien n’aurait bougé. Ce drame dépasse le cadre sportif : il questionne la place réelle des femmes dans le football, leur sécurité, leur respect. Si la FAM veut réellement transformer le jeu, elle devra d’abord transformer ses fondations : rompre avec la culture du déni, sanctionner les agresseurs, et mettre la protection des athlètes au cœur de son action.