Le Maroc face aux défis technologiques de la CAN : retour sur le 24ème webinaire de Carréfoot

Le 24ème webinaire de Carréfoot, animé par Stéphane AHOA et Evrard DJISSOU, s’est tenu autour d’un thème à la croisée du sport, de l’innovation et de la souveraineté numérique : « Dispositif technologique – Cas de la billetterie ». Trois invités ont partagé leur expertise et leur vision. Il s’agit de Fawaz ADJIBADE, ingénieur en informatique et responsable de Global Sport Management, Nouhaila IMMANI, doctorante, enseignante-chercheuse et cadre événementiel et d’Arnaud LOKONON, développeur web. L’expert en cybersécurité Cédric ANOMA, initialement attendu, a été empêché par un contretemps de dernière minute.

Anticipation, logistique et innovation : les clés d’un événement réussi

À l’approche de la Coupe d’Afrique des Nations 2025, le Maroc se prépare à accueillir une compétition d’envergure, dans un contexte où l’organisation d’événements sportifs devient un révélateur de maturité institutionnelle et technologique. Nouhaila IMMANI a lancé les hostilités en affirmant que « le Maroc est dans une logique de continuité mais également dans la maturité des organisations des événements ». Pour elle, cette CAN représente à la fois « une fierté nationale mais aussi un défi organisationnel », tant sur le plan logistique qu’institutionnel, où la collaboration entre les acteurs des deux domaines est cruciale pour préserver la notoriété internationale du pays. Elle insiste qu’il faut donc miser sur l’anticipation et l’esprit créatif.

Fawaz ADJIBADE, de son côté, met en lumière les outils techniques indispensables à une gestion fluide : « Il faut avoir un système informatique assez puissant qui peut gérer énormément de flux et qui peut permettre de payer des tickets ». Il évoque la nécessité de faciliter l’achat des billets, de mettre à jour les applications de géolocalisation, d’assurer un accès simplifié aux hôtels et de renforcer les dispositifs de sécurité et de contrôle d’accès. Mais au-delà de la CAN, il voit plus loin : « Le plus gros défi technologique du Maroc, c’est qu’après la CAN, il y a un autre événement qui est l’organisation de la Coupe du monde. C’est un test grandeur nature pour le Maroc ». Il appelle donc à l’intégration dès à présent, de l’intelligence artificielle dans les outils numériques pour anticiper les besoins futurs.

Billetterie, connectivité et inclusion : penser l’expérience spectateur

L’expérience des supporters, notamment ceux venus de l’étranger, constitue un autre axe majeur de réflexion. Arnaud LOKONON précise qu’il y a beaucoup de petits services à rendre aux supporters venus de leur pays. Il évoque ensuite des solutions concrètes, comme la communication par puces ou l’usage des eSIM : « Si quelqu’un peut avoir sa puce en étant chez lui, il pourra avoir accès facile à plusieurs choses sur place, sachant que plusieurs personnes ont besoin de ce même service ». Il ajoute : « Pour ne pas stresser la vie des spectateurs, on peut déjà penser à ces petits bijoux de la technologie qui peuvent aider ». Le développeur web a aussi plaidé pour que les institutions ouvrent la porte aux initiatives citoyennes : « Les institutions doivent laisser les particuliers aider aussi dans la recherche de solution ».

La billetterie, quant à elle, demeure un point névralgique. Fawaz ADJIBADE a dénoncé les failles du système actuel : « Le marché noir est l’adversaire des événements et cela est possible par la vente des tickets physiques ». Il voit ainsi l’usage du FAN ID, testé pour la première fois au Qatar en 2022, comme rempart contre les fraudes : « Le FAN ID est l’une des meilleures choses trouvées pour limiter le marché noir ». Ce dispositif permet de restreindre l’achat à un seul billet par personne, après validation sur le site. Dans l’optique de fragiliser le marché noir, l’ingénieur informatique a également proposé la création d’un site officiel de revente pour la CAN.

LOKONON, lui, a mis en lumière une fracture sociale : « Le formel est au service de l’élite et le marché noir satisfait les basses classes ». Il appelle à une meilleure représentation des réalités locales dans les dispositifs institutionnels pour freiner ces pratiques. Il a suggéré une forme de centralisation des moments forts de la compétition via une application dédiée, plutôt que la dispersion sur les réseaux sociaux.

Une CAN au service du patrimoine et de l’héritage numérique africain

Mais au-delà de l’événement sportif, c’est une vision plus large qui se dessine. Nouhaila IMMANI voit dans la CAN une opportunité de rayonnement culturel et touristique : « La CAN va dans une dynamique plus large qui s’étend sur le football, le tourisme, le tourisme footballistique et le tourisme culturel ». Elle a défendu la mise en place de circuits culturels pour valoriser le patrimoine marocain : « C’est ce genre de choses qui vont attirer les gens à revenir plusieurs fois dans le pays. Un truc durable qui va pousser les gens à revenir en tant que simple touriste même si la compétition est organisée ailleurs » avant de préciser : « Il s’agit d’une opportunité de raconter une histoire marocaine du football ».

Fawaz ADJIBADE, quant à lui, a insisté sur la portée stratégique du numérique : « Le Maroc est en train de mettre en place un standard dans le monde sportif à travers le numérique ». Il invite le pays hôte à créer un écosystème numérique africain, à partager son expertise avec d’autres nations et à proposer à la CAF un cahier des charges technologique pour les futures éditions de la CAN. Il rappelle que les nouveaux stades marocains intègrent déjà des technologies avancées et que ces outils permettent d’identifier les participants afin de produire des statistiques fiables.

Enfin, IMMANI a tenu à appeler à l’institutionnalisation de cette dynamique : « Il faut institutionnaliser la compétence numérique à travers la création d’un centre africain dans le numérique sportif ». La spécialiste des événements est revenue sur la dimension humaine de la compétition en proposant des interviews d’artistes en vue de créer une atmosphère chaleureuse et immersive. Elle plaide pour des études scientifiques menées avant, pendant et après la CAN afin d’en mesurer l’impact réel. « Aujourd’hui, le numérique est au cœur de tous les événements », affirme-t-elle, avant de conclure : « La CAN peut être plus qu’un simple tournoi. Elle peut être un symbole d’un Maroc qui unit par le sport ».

Le webinaire s’est achevé sur une note ludique avec le tirage au sort en ligne du jeu pronostique de Carréfoot. FL TIANN, du Madagascar, a été désigné heureux gagnant. Les intervenants ont ensuite répondu aux questions des internautes, concluant ainsi un échange riche en perspectives et en ambitions.

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