
Le football féminin africain passe à la vitesse supérieure
La Coupe d’Afrique des Nations Féminine CAF TotalEnergies 2024 a marqué un tournant dans l’histoire du football féminin africain. Entre montée du niveau tactique, rôle clé des gardiennes, influence de la technologie et affirmation des femmes dans les postes techniques, le tournoi a confirmé que le continent est entré dans une nouvelle ère.
Organisée au Maroc pour la deuxième fois consécutive, cette 13e édition a été celle de la maturité. Douze équipes, un format élargi, des performances collectives abouties, des stars internationales, une couverture médiatique inédite et une approche plus professionnelle du jeu. Le football féminin africain ne rampe plus, n’est plus à la traîne.
Des formats évolués pour une compétition plus intense
Jusqu’en 2018, seules huit équipes participaient à la CAN Féminine. Depuis 2022, elles sont douze. Cette évolution traduit l’ambition croissante des fédérations et l’élargissement du vivier de talents. Résultat : 42 matchs au programme et un niveau de jeu globalement élevé. Les joueuses, mieux préparées physiquement et tactiquement, s’adaptent à plusieurs systèmes de jeu en cours de match. Certaines évoluent à plusieurs postes sans baisser en intensité.
Les stars brillent, mais le collectif prime
L’époque où une équipe reposait sur une ou deux joueuses est révolue. Aujourd’hui, les collectifs font la différence. Le Nigeria ne s’appuie plus uniquement sur ses individualités. Le Ghana ou encore la Zambie l’ont prouvé. Les équipes ont cohésion et organisation défensive qui sont devenues centrales. Même les entrantes ont marqué des tournants dans les matchs, comme Sanaa Msoudy pour le Maroc.
Si des noms comme Banda, Kundananji ou Ajibade brillent encore, leur apport s’inscrit désormais dans un cadre collectif structuré, pensé, anticipé. Les binationales formées en Europe ou ailleurs enrichissent ce socle, grâce à leur culture tactique et leur rigueur.
Des gardiennes désormais au cœur du jeu
Souvent oubliées, les gardiennes ont brillé durant cette CAN. Maitumelo Bosija, par exemple, a été décisive pour le Botswana. Désormais, elles gèrent les espaces, organisent la défense et dominent dans les airs. Le poste a pris une importance stratégique.
L’impact décisif de la Ligue des Champions Féminine
Pour Lamia Boumehdi, coach du TP Mazembe champion de la Ligue des Champions Féminine de la CAF, la compétition continentale des clubs a élevé les standards. Des joueuses comme Merveille Kanjinga, passées par Mazembe avant d’arriver au PSG, ou Evelyn Badu au Ghana, en sont les preuves vivantes. Cette passerelle vers l’Europe renforce l’exigence technique du football africain.
L’analyse vidéo et la data changent la donne
Le recours à la technologie a transformé la lecture des matchs. Les analystes, positionnés en tribune, envoient en temps réel des informations aux bancs techniques. Des décisions sont prises à la mi-temps sur la base de données précises.
Pour Shilene Booysen, analyste sud-africaine, « il est impensable aujourd’hui de préparer un match sans données ». Elle cite l’exemple du Sénégal face à l’Afrique du Sud en quart : « Ils ont su neutraliser les Banyana avec un plan clair basé sur l’analyse. »
En 2016, Booysen était la seule analyste performance présente. En 2024, les équipes africaines sont à jour avec des vidéos, data, plans individualisés. Cela a contribué aux excellents résultats des sélections africaines lors du dernier Mondial, car Nigeria, Maroc et Afrique du Sud ont atteint les huitièmes.
Les techniciennes attendent leur tour
Malgré les progrès sur le terrain, la présence des femmes sur les bancs reste faible. Deux sélectionneuses principales seulement en 2024 : Desiree Ellis (Afrique du Sud) et Nora Häuptle (Zambie). Simphiwe Dludlu, ancienne internationale et technicienne sud-africaine, tire la sonnette d’alarme : « En Europe, 44 % des coachs sont des femmes. En Afrique, nous sommes à 15 %. Pourtant, les femmes diplômées sont là. »
Elle appelle les fédérations à faire des choix courageux. En Afrique du Sud, toutes les sélections féminines sont dirigées par des femmes. Le modèle existe, reste à l’imiter ailleurs.
Reconnaissance en marche après des progrès visibles
Depuis 1998, seules trois femmes ont soulevé le trophée en tant que sélectionneuses principales : Clémentine Touré (2008), Florence Omagbemi (2016), Desiree Ellis (2022). Les pionnières veulent aujourd’hui passer le relais. Touré résume : « Le foot féminin africain rampait, il marche, il court maintenant. »
La CAN Féminine 2024 a confirmé cette course vers l’excellence. Il ne reste qu’un pas à franchir : courir avec tout le monde, sur un pied d’égalité.