« Le football féminin aux mains de celles qui le vivent » – Entretien avec Amina Dieng, candidate à la présidence de la Commission du Football Féminin

Dans un entretien exclusif accordé à Carréfoot, Amina Dieng dévoile ses ambitions. Candidate à la présidence de la Commission du Football Féminin, elle revient sur son parcours, les défis du football féminin sénégalais et les actions qu’elle compte mener si elle est élue.

– Entretien

1. Qu’est-ce qui vous a personnellement motivée à vous présenter à la présidence de la Commission du Football Féminin ?

Ma motivation vient d’abord de celles et ceux qui m’ont encouragé dans cette démarche : en plus de mes amis, des figures respectées comme mon actuel responsable de campagne Ibrahima Ba, mes collègues de travail comme Marceline Ba, Aliou Faye, Chérif Aïdara, etc… certains dirigeants de clubs comme Pape Ndiaye, Djiby Traoré des Amazones de Grand-Yoff. Leur confiance me pousse à agir. Au-delà des encouragements reçus, je suis convaincue que le football féminin sénégalais mérite mieux. Le temps du changement a sonné, l’actuelle présidente a accompli ses mandats, et il est désormais temps de céder la place. J’ai vécu des réalités du terrain en tant que dirigeante de club et présidente de la commission du football féminin de Dakar. J’ai vu les talents, les rêves, mais aussi les obstacles qui freinent notre développement. Il est désormais essentiel que celles qui affrontent ces défis au quotidien prennent les rênes pour un changement véritable.

2. En quoi votre expérience constitue-t-elle un atout pour votre candidature ?

Mon parcours combine plusieurs dimensions essentielles : l’expérience du terrain, la formation spécialisée et la vision médiatique. En tant que présidente de la commission du football féminin de Dakar, j’ai déjà géré concrètement les défis de développement de notre discipline. Mes formations récentes et diversifiées, notamment en « Leadership Féminin UEFA« , « Licence D CAF« , « Management et Marketing du sport » et « World Coaches Level 2« , m’ont dotée d’une compréhension moderne des enjeux du football féminin. Mon expérience de journaliste sportive chez Dpsorts et sur les chaînes Youtube me permet de comprendre les enjeux de visibilité et de communication. Cette triple casquette – dirigeante, formée aux standards internationaux, et communicante – me donne une légitimité unique pour allier expertise technique et capacité à porter notre vision au niveau national et international.

3. Comment envisagez-vous d’impliquer davantage les actrices du terrain dans la gouvernance ?

Mon slogan reflète une conviction : il faut augmenter le quota féminin au sein du comité exécutif de la FSF et des ligues régionales. Concrètement, je propose de créer un observatoire du football féminin composé d’anciennes joueuses, de journalistes, de dirigeantes et d’arbitres. Je veux également instaurer des forums réguliers de consultation avec les clubs, où les présidentes et dirigeantes pourront exprimer directement leurs besoins. Chaque décision importante sera prise après avoir écouté celles qui sont sur le terrain quotidiennement. La gouvernance ne peut plus se faire en vase clos. Les « celles qui le vivent » – nos joueuses et dirigeantes – doivent avoir voix au chapitre dans toutes les instances décisionnelles.

4. Quels obstacles identifiez-vous pour rendre le football accessible toutes les filles et quelles solutions proposez-vous ?

Les obstacles sont multiples : manque d’infrastructures adaptées, horaires de matchs inadéquats (souvent le matin), budget insuffisant pour les déplacements interrégionaux, et faible sensibilisation dans les clubs féminins existants et dans les écoles. Mes solutions s’articulent autour du programme « Foot pour Toutes » : encourager le maximum de clubs et écoles de football existants à créer une section féminine, développer des compétitions scolaires et intercommunales, et adapter les horaires des matchs pour optimiser l’affluence du public. Je veux également créer un fonds d’appui spécifique aux clubs féminins et améliorer le budget destiné aux déplacements interrégionaux. L’idée est de supprimer les barrières financières et logistiques qui empêchent nos filles de jouer.

5. Quelles mesures concrètes pour professionnaliser le championnat féminin ?

La professionnalisation du football féminin passera par une structuration progressive. D’abord, j’inciterai les clubs masculins professionnels à créer et soutenir des sections féminines, en veillant à un partage équitable des infrastructures. Ensuite, je militerai pour que la gestion du football féminin soit séparée de celle de la Ligue de football amateur, créant ainsi une ligue indépendante. Ainsi les clubs pourront être augmentés. Je développerai également des partenaires public-privé pour compléter les subventions de la FIFA, obtenir de nouvelles installations et attirer des sponsors ciblant « femme et sport« . Je proposerai aussi l’instauration d’un championnat national régulier pour offrir aux joueuses un cadre compétitif et stable tout au long de l’année. Enfin, je m’engage à lutter pour garantir l’allocation totale des 500 000 dollars annuels de la FIFA dédiés au football féminin, fonds qui n’ont pas toujours été pleinement utilisés.

6. Comment favoriser une meilleure représentativité des femmes dans les organes de décision ?

C’est un axe central de mon programme. Je plaiderai pour une augmentation significative du quota féminin au sein du comité exécutif de la FSF et des ligues. Mais la représentativité ne suffit pas sans compétence. C’est pourquoi je mettrai en place un programme de formation en administration sportive pour les dirigeantes de clubs, en partenariat avec la FIFA et la CAF. Je veux former une nouvelle génération de dirigeantes compétentes et légitimes. L’objectif est de créer un vivier de femmes qualifiées pour occuper des postes étaient responsabilité, pas seulement dans le football féminin, mais dans toute la gouvernance du football sénégalais.

7. Quelle stratégie pour améliorer la visibilité médiatique du football féminin ?

Fort de mon expérience de journaliste sportive, je développerai une stratégie de diffusion multicanal : matchs féminins diffusés via TV et plateformes digitale, création d’une plateforme digitale dédiée, et partenariats médias pour une couverture régulière. Je créerai un statut d’ambassadrice pour les anciennes joueuses internationales et organiserai des journées nationales dédiées au football féminin. L’idée est de créer des évènements médiatiques réguliers qui maintiennent l’attention du public. Mon réseau dans les médias sportifs sera un atout pour négocier une meilleure couverture et attirer de nouveaux partenaires médiatiques sensibles à la cause du sport féminin.

8. Quels partenariats ou dispositifs pour la formation des encadreurs et jeunes joueuses ?

Je mettrai en place un programme ambitieux de formation d’entraîneuses féminines, d’arbitres et de dirigeantes sportives, en partenariat avec la FIFA et la CAF pour des sessions de renforcement de compétences. Pour les jeunes joueuses, je créerai une académie dédiée aux talents féminins et un programme de bourses en partenariat avec des ONG et organisations internationales comme Décathlon, l’UNICEF et ONU Femmes. Des camps de détection réguliers seront organisés dans toutes les régions, avec une mise en réseau des clubs avec des experts en nutrition, préparation physique et coaching. L’objectif est de professionnaliser l’encadrement à tous les niveaux.

9. Comment capitaliser sur les succès continentaux récents ?

Nos succès récents doivent servir de tremplin. Je structurerai clairement les catégories U17, U20 et Senior avec des stages de préparation réguliers et des matchs amicaux internationaux. Le championnat national régulier deviendra une vitrine du football féminin sénégalais, capable d’attirer sponsors et médias. Je développerai des programmes d’échanges avec des fédérations étrangères avancées pour maintenir notre niveau. L’idée est de créer une dynamique positive où chaque succès en génère d’autres, en investissant intelligemment dans la préparation et la formation de nos équipes nationales.

10. Enfin, si vous êtes élue, quelles seront vos priorités immédiates dans les 100 premiers jours de votre mandat ?

Mes priorités immédiates seront :

Gouvernance : Instaurer un dialogue constructif avec la FSF et garantir la sanctuarisation des fonds FIFA dédiés au football féminin.

Terrain : Lancer immédiatement le programme « Foot pour Toutes » dans les écoles et encourager la création de sections féminines dans les clubs existants.

Formation : Démarrer les formations en administration sportive pour les dirigeantes et organiser les premiers camps de détection régionaux.

Communication : Créer l’observatoire du football féminin et lancer la plateforme digitale dédiée. Ces 100 premiers jours poseront les bases d’une transformation profonde, en commençant par les actions qui auront l’impact le plus immédiat sur nos joueuses et nos clubs. « Le football féminin aux mains de celles qui le vivent, le construisent et le font rêver, pour une gouvernance dynamique et renouvelée. »

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