Quand les Aigles de Carthage défiaient le destin pour leur unique sacre en 2004

Il y a des victoires qui s’inscrivent dans l’histoire, et puis il y a celles qui fusionnent avec l’âme d’un pays. La Coupe d’Afrique des Nations 2004, organisée à domicile, fut pour la Tunisie bien plus qu’une simple compétition : ce fut un véritable tourbillon émotionnel, une quête semée de doutes et de retournements de situation qui, au final, a accouché de son unique étoile continentale. C’est l’histoire d’un parcours où le destin semblait vouloir jouer les scénaristes fous, sous la baguette d’un certain Roger Lemerre.

Des débuts poussifs, les Aigles très peu convaincants

L’attente était immense. Jouer devant son public, c’est une pression que seuls les hôtes comprennent. Et le premier match contre le Rwanda fut un révélateur de cette tension. Malgré la victoire (2-1), l’entrée en lice des Aigles fut… poussive. La frustration était palpable, symbolisée par l’expulsion de Selim Benachour. Certes, les buts de Santos et de Jaziri avaient fait l’essentiel, mais le jeu n’était pas là, et le cœur du public, lui, était serré.

Le chemin des phases de groupe fut ensuite maîtrisé (victoire 3-0 contre la RD Congo, puis un nul 1-1 contre la Guinée), permettant à la Tunisie de terminer première de son groupe. L’objectif était atteint, mais le tirage au sort des quarts de finale réservait déjà le premier coup de théâtre.

L’exploit en quart de finale face aux Lions de la Teranga

Finir premier pour affronter… l’ogre du continent, le Sénégal ! Finaliste de la CAN 2002 et quart de finaliste de la Coupe du Monde 2002, les Lions de la Teranga et leur génération dorée (El-Hadji Diouf, Henri Camara, etc.) étaient l’épouvantail de la compétition. Ce n’était pas un quart de finale, c’était une finale avant l’heure, un défi qui semblait au-dessus des forces tunisiennes.

Le Stade Olympique d’El Menzah, bondé, était une cocotte-minute d’espoir et de peur. Lemerre, l’homme qui avait mené la France au sacre mondial et européen, avait trouvé sa formule magique, un milieu de terrain défensif intraitable. Ce fut un match de gladiateurs, tendu, tactique, où chaque possession était une bataille. Contre toute attente, la Tunisie, portée par une défense de fer et un esprit de sacrifice total, réussit l’impensable : une victoire arrachée 1-0, grâce à un but libérateur de Jawhar Mnari à la 65e minute.

L’explosion de joie fut indescriptible. Les doutes se sont transformés en certitude : cette équipe peut le faire.

En finale, après avoir écarté le Nigéria

Forts de cet exploit, les Aigles de Carthage abordent la demi-finale face au Nigéria avec un vent nouveau. Les Super Eagles de Jay-Jay Okocha et de John Utaka étaient un autre adversaire redoutable. Le match fut un duel au sommet, mais le scénario fut digne d’un thriller.

Après un 1-1 après prolongation (buts de Khaled Badra et Jay-Jay Okocha), l’issue s’est jouée à la séance de tirs au but. Un exercice où la pression est maximale, où chaque pas vers le point de penalty est une torture. C’est là que le gardien Ali Boumnijel et les nerfs d’acier des tireurs tunisiens ont pris le dessus. La victoire 5-3 aux t.a.b. fut un soulagement colossal, propulsant le pays hôte vers sa troisième finale de CAN, la première à la maison depuis 1965.

Santos et Jaziri, les héros d’une soirée mémorable pour les Aigles !

Le 14 février 2004, jour de la Saint-Valentin, Radès n’avait d’yeux que pour le rouge et blanc. La finale était un Derby du Maghreb face au Maroc de Badou Zaki et Walid Regragui (qui était arrière droit à l’époque!). L’enjeu était historique : la Tunisie devait briser la malédiction des finales (perdues en 1965 et 1996) et enfin remporter sa coupe.

L’entame fut foudroyante : à la 5e minute, sur une passe de Mehdi Nafti, Francileudo Santos propulse le ballon au fond des filets de la tête (1-0). Le stade exulte, le rêve est si proche. Mais comme tout bon scénario dramatique, un coup de massue vient geler l’atmosphère juste avant la pause : Youssef Mokhtari égalise pour le Maroc (38e, 1-1). Le spectre de la déception de 1965 revient hanter les esprits.

Les visages sont marqués. La mi-temps est une éternité.

Puis, au retour des vestiaires, l’éclair. À la 52e minute, sur une action limpide, Ziad Jaziri redonne l’avantage aux Aigles de Carthage (2-1). Ce but n’était pas seulement un but, c’était le poids de l’histoire qui se soulevait. Pendant les 40 minutes restantes, chaque dégagement, chaque parade de Boumnijel, chaque intervention de Radhi Jaïdi et Karim Haggui était acclamée comme un but.

Le coup de sifflet final fut le signal d’un séisme émotionnel. C’était un rugissement, des larmes, des embrassades, une communion totale entre les joueurs, le staff et les 70 000 spectateurs. La Tunisie était enfin championne d’Afrique !

Ce parcours fut un condensé de tout ce qui rend le football magnifique : la pression de l’hôte, le défi des favoris (Sénégal), le frisson des tirs au but (Nigéria), et enfin, la consécration dans un derby incandescent. En 2004, la Tunisie n’a pas seulement gagné un trophée, elle a écrit, dans un scénario fou et plein d’émotion, le plus beau chapitre de son histoire footballistique. C’était également la dernière fois que le Maroc, finaliste malheureux ce jour-là, a réussi à atteindre le dernier carré de la Coupe d’Afrique des Nations. Une attente de plus de deux décennies qui prendra fin en 2025, lorsque les Lions de l’Atlas, hôtes de la CAN, seront attendus de pied ferme pour retrouver les sommets continentaux.

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