
Nouveaux talents africains : récits croisés de joueurs et regards d’experts
Dans le cadre du 15ème webinaire de Carréfoot, ils étaient trois à incarner, chacun à sa manière, les visages d’un football africain en pleine ascension. Célestin Ecua, international ivoirien U23 et joueur de Yanga SC, Alhabib Hassane, international nigérien au Wydad de Fès, et Omar Salifou, chef communication des équipes nationales nigériennes ont répondu sans réserve aux différentes questions modérées par les analystes Stéphane AHOA et Augustin GBEMENOU. Entre récits de terrain, défis d’intégration et ambitions continentales, ce dialogue dessine les contours d’une génération montante autour du thème : “ Nouveaux talents africains : génération montante & réussites continentales “
Premiers pas : entre quartier, famille et révélations
Alhabib Hassane ouvre le bal avec une plongée dans ses débuts au Renaissance FC, une académie de quartier. De ce lieu, il gravit les échelons. D’abord, partant de la D2 junior, puis senior, avant d’être repéré pour les U20 du Niger. Deux saisons à l’AS Police, une sélection au CHAN, un passage à l’AS Douane, puis le grand saut vers l’Égypte.
Célestin Ecua quant à lui, raconte une histoire plus affective. Tout commence avec sa grand-mère, qui lui offre des jouets de foot et le surnomme “Zezeto”. Un surnom sans signification, jusqu’à ce match de collège où un superviseur remarque son jeu flamboyant, l’encourageant à progresser. À Bonoua, son pied gauche attire l’attention d’un observateur pendant une séance de coups francs. Direction le WAC de Côte d’Ivoire, mais sans temps de jeu considérable. Puis vient le test en sélection nationale, où il joue en pointe alors qu’il est un pur numéro 10, l’aubaine de tout donner. Omar Salifou, en observateur engagé, souligne la fréquence de ces récits chez les jeunes, tout en rappelant que beaucoup finissent par choisir les études, souvent sous influence familiale.
Une génération qui prend les rênes
A ce sujet, l’international nigérien s’est montré particulièrement enthousiaste à l’idée de savoir qu’il y a une masse de jeunes africains qui font la fierté du continent en Europe. Il cite Lamine Camara, Carlos Baleba, Simon Adingra, autant de symboles d’un football africain qui s’impose au delà des frontières. Dans le même ordre d’idées, Omar Salifou rassure qu’une pépinière est en place. Même les privés s’en inspirent pour créer des académies : ‘’ Au Niger, avec la Fédération, on a lancé une académie qui est là depuis deux ans.”
Mais dans une génération montante où les talents se multiplient, il n’est pas aisé de se faire remarquer. Pour Hassane, le travail reste le mot d’ordre pour s’imposer. Il évoque à juste titre un modèle inattendu : “Je suivais un joueur de basket. À chaque fois, il allait travailler et ça me motivait à faire comme lui. C’était un grand frère, il n’était même pas un joueur de foot.”
Pour le spécialiste de la communication, la clé se trouve dans une stratégie narrative : “J’ai créé une fiche technique pour chaque joueur pour parler de leur parcours, de leur potentiel. Plus on parle d’un joueur, plus les gens sont poussés par une curiosité pour voir c’est qui ce jeune joueur.” Il insiste sur l’importance de copier les modèles de réussite, sans négliger le talent.
Loin des siens : adaptation et résilience
Célestin Ecua, avec son humour naturel évoque son acclimatation en Tanzanie et pointe du doigt l’aspect primordial de la barrière linguistique. “Pour moi, c’est la langue. Ici ça parle anglais et Swahili aussi. Moi je ne parle pas anglais mais ma chance, le nouveau coach est français. Il parle français et anglais, ce qui nous sauve. On est nombreux dans le cas sinon pour l’acclimatation, c’est bon. La Tanzanie, c’est comme Abidjan.”, confie le nouveau joueur du Yanga SC.
Les conditions sont toutes autres du côté du jeune défenseur nigérien qui a connu plus de flottement au départ avant d’en arriver à une adaptation. “Au début, c’était dur mais après j’ai pu m’adapter. Dieu merci, il y a les appels avec la maman, les sœurs, les frères.”, raconte Alhabib Hassane. En rassurant sur son hygiène de vie qui l’éloigne des blessures et son quotidien rigoureux, il insiste sur le repos qui reste capital pour les sportifs. Il n’a tout de même pas manqué de revenir sur son passage en Égypte qui a donné un coup de ralentissement à sa progression d’alors : “Ça m’a beaucoup ralenti. Un jeune qui est parti pour jouer et avoir du temps se retrouve sur le banc.”
D’un œil stratégique, Omar Salifou pointe une autre difficulté chez les jeunes : la constance. “Beaucoup de Nigériens sont partis après le CHAN mais deux ans après, certains reviennent au Niger pour se relancer.”, rappele le spécialiste de la communication qui a un œil avisé sur le suivi permanent des jeunes. D’ailleurs, il a offert une possibilité exclusive d’entretien avec Abdou Latif, jeune ailier nigérien en partance pour la RDC.
Pression continentale et choix de carrière
Arrivé à l’ASEC à la mi-saison passée alors que le club l’avait auparavant recalé, Ecua explique la pression de découvrir la compétition africaine de cette envergure qu’est la ligue des champions. Il revient sur sa première dans la compétition avec les Mimos : “Le jour du match, je vais à la selle trois fois, tellement la pression était trop. Surtout avec les caméras et tout, j’avais jamais vécu ça. Je me suis dit, ça passe ou ça casse.” Dans la recherche de cette continuité de compétitions continentales, le meilleur joueur de la Ligue 1 LONACI a opté pour le projet tanzanien. “Je cherchais l’Europe mais comme l’Europe n’est pas venue, j’ai décidé de rester dans une équipe qui évolue en compétition CAF. Même en Europe, on cherche la Ligue des Champions alors si je reste, je dois vider notre Ligue des Champions ici.”, confie Célestin Ecua.
En passant au sujet de la CAN, les deux joueurs invités ont trouvé que les joueurs locaux n’étaient pas assez valorisés dans les sélections nationales. Ecua en appelle même à une réforme : “Les sélectionneurs doivent intégrer au moins deux joueurs locaux parce que des nations ont fonctionné avec des joueurs de leur championnat.”
En citant l’exemple de la Zambie avec les frères katongo, la génération Abou trika avec l’Égypte ou l’Afrique du sud, Hassane renchérit : “Les joueurs en Europe ne sont pas forcément mieux que ceux sur le continent.” Mais d’une analyse approfondie Omar nuance : “C’est une question de choix. Tout dépend de comment chaque sélectionneur a envie de bâtir son équipe.”
Travail, encadrement et rêve
Sur l’une des dernières questions, les deux joueurs sont restés unanimes sur le facteur qui pourrait aider un jeune joueur entre le talent, le travail et l’encadrement : « C’est le travail ». Pour Alhabib, » quand tu travailles, tu rends les choses plus faciles, le travail, c’est la base ». Pour son confrère ivoirien, » on peut bien t’encadrer et investit sur toi et puis après, il n’y a rien. ». Vers la fin de cet échange de près d’une heure et 20 minutes, l’international nigérien a exposé son rêve professionnel avant que les modérateurs n’y mettent fin après une série de remerciements. Le webinaire s’est donc refermé sur une note de rêve : » Mon rêve, c’est de jouer en premier League. A Chelsea ‘’