
Youssouph Dabo, l’homme des défis et des reconstructions
Il ne laisse personne indifférent. Tantôt encensé, tantôt contesté, Youssouph Dabo trace sa route dans le paysage du football africain avec une ambition décomplexée. Passé par plusieurs clubs du continent et auréolé de réussites avec les sélections de jeunes au Sénégal, il incarne une nouvelle génération de coachs africains sans complexe.
De l’Union sportive du Rail à Sagatta jusqu’à l’AS Vita Club en République démocratique du Congo, Youssouph Dabo a toujours eu le regard tourné vers l’avant. Joueur nomade, puis entraîneur mobile et ambitieux, il défie les codes traditionnels du coaching africain. S’il a parfois laissé derrière lui un goût d’inachevé, son passage ne s’oublie jamais. Retour sur un parcours où la conviction supplante souvent la conformité.
Des bases forgées dans l’exigence
Youssouph Dabo n’a pas connu une grande carrière de joueur. Il a débuté à Dakar avec US Rail en Ligue 1, ensuite des passages en Tunisie, au Luxembourg et en France au Red Star. Rien de clinquant, mais déjà une détermination hors norme. Très tôt, il comprend que sa vraie vocation se trouvera sur le banc de touche.
Il obtient une licence UEFA A, symbole d’une volonté de structuration et de professionnalisation de sa démarche. Youssouph Dabo est un perfectionniste. Ses débuts d’entraîneur avec les jeunes du Red Star lui permettent de poser les jalons d’une méthode rigoureuse, portée sur l’intensité et la clarté tactique. Cette étape française, souvent passée sous silence, a pourtant joué un rôle clé dans sa maturation.
Les premières réussites sénégalaises
Son retour au Sénégal marque un nouveau départ. Il dirige d’abord Guédiawaye FC, où il s’affirme comme un coach pragmatique et inspiré. Il quitte le club et enchaîne ensuite avec le Stade de Mbour, qu’il conduit à la victoire en Coupe de la Ligue, enchaînée par une défaite en finale en Coupe du Sénégal. Cette Coupe de la Ligue, premier trophée d’une longue série, assoit sa crédibilité au sein du football sénégalais.
L’aventure avec les Lionceaux
Janvier 2019 est un tournant majeur. Nommé à la tête des U20 du Sénégal, Youssouph Dabo incarne une nouvelle vision pour les sélections jeunes. Avec cette équipe, il gagne des trophées. Tournoi de l’UFOA, Championnat arabe U20 en 2020, finale de la CAN U20, médaille de bronze aux Jeux africains U23, son palmarès s’étoffe. Mais ce n’est pas qu’une question de trophées. Dabo impose un style, fait confiance à la jeunesse, et développe un jeu ambitieux. Son équipe séduit, et lui, devient une référence. Sa participation à la Coupe du Monde U20 est honorable, avec une élimination en huitièmes de finale, mais surtout un contenu salué pour sa maturité tactique. Il n’est plus un espoir du banc et devient un acteur installé.
Teungueth FC, le projet de la confirmation
En juin 2020, Youssouph Dabo prend les commandes du Teungueth FC. En quelques mois, il transforme le club. Champion du Sénégal en 2020-21, qualifié pour la phase de groupes de la Ligue des Champions CAF, Teungueth rivalise avec les meilleures équipes du continent, battant même le Raja Casablanca. Youssouph Dabo y démontre son sens du détail et sa capacité à tirer le maximum d’un effectif limité. Sa philosophie de jeu marquée par un pressing haut, des transitions rapides et une organisation millimétrée, séduit autant qu’elle impressionne. Son passage à Teungueth reste l’un de ses plus aboutis.
Il fait un détour un peu conflictuel par le Jaraaf
Le retour à Dakar, cette fois sur le banc du Jaraaf en juillet 2022, se fait sous haute tension. Attendu comme le sauveur, Youssouph Dabo se heurte à la réalité des rapports de force internes. Sa méthode, souvent jugée trop directe, divise. Entre exigences de résultats, désaccords avec les dirigeants et critiques publiques, l’expérience tourne court et il décide de partir.
L’expérience tanzanienne : Azam FC dans la peau
En mai 2023, il rejoint Azam FC, en Tanzanie. Le projet est plus structuré, l’organisation professionnelle, l’effectif solide ; Youssouph Dabo est dans son élément. Il imprime son style, remporte 21 matchs sur 31 en championnat, atteint deux finales (Coupe nationale et Supercoupe). L’équipe joue bien, progresse, et le coach est respecté.
Mais comme souvent, Youssouph Dabo ne reste pas longtemps. En septembre 2024, il quitte le club, officiellement d’un commun accord. En coulisses, des divergences tactiques et un changement dans l’organigramme auraient précipité cette séparation. Malgré tout, son passage à Azam FC reste une réussite incontestable.
Son passage récent à Kinshasa et le rebondissement en Lybie
En octobre 2024, il relève un des plus grands challenges de sa carrière : entraîner l’AS Vita Club. Très attendu, il veut imposer ses idées et sa discipline. Mais le contexte compliqué dans lequel le club est empêtré fait qu’il décide de rendre le tablier très tôt pour un défi plus immense : rejoindre une sélection nationale. Youssouph Dabo rejoint en 2025 le staff technique de la sélection libyenne, dirigée par Aliou Cissé. L’ancien sélectionneur des Lions de la Téranga du Sénégal, nommé à la tête des Chevaliers de la Méditerranée, a souhaité s’entourer de techniciens expérimentés. Il a ainsi choisi Youssouph Dabo pour faire partie de son encadrement technique.
Portrait d’un entraîneur sans concessions
Ce que beaucoup saluent chez Youssouph Dabo, c’est sa rigueur et sa loyauté envers ses idées. Son 4-3-3 est devenu une marque de fabrique. Il aime les blocs compacts, les latéraux qui participent au jeu, les milieux travailleurs et les attaquants qui pressent. Malgré ses principes de jeu, il paie cher son exigence, car peu de clubs acceptent d’entrer dans son moule. Il n’est pas un homme de compromis. Pour certains, c’est une force ; pour d’autres, un défaut. Youssouph Dabo ne compose pas avec le court-termisme. Il veut bâtir. Et cela demande du temps, du courage et parfois du silence médiatique, ce qui n’est pas toujours possible.
Youssouph Dabo n’est pas un entraîneur comme les autres. Il n’est pas là pour plaire. Il est là pour construire, transmettre et transformer. Il dérange souvent, fascine parfois, mais progresse toujours. Dans un continent où les entraîneurs sont souvent utilisés puis oubliés, il incarne une rare constance intellectuelle. Le football africain aura sans doute besoin de profils comme le sien pour espérer une réelle émancipation technique et tactique.