Au Bénin, le déclassement du Stade Général Mathieu Kerekou ne passe pas

Rénové à coût de milliards en juillet 2021, le Stade Général Mathieu Kerekou qui a une capacité de 30 000 places n’est plus aux normes internationales moins de trois ans après, obligeant les Guépards à jouer leurs matchs à l’extérieur. Une situation que les Béninois ont du mal à accepter.

La réhabilitation fêtée en fanfare par le ministre des sports d’alors Oswald Homeky en compagnie de deux autres de ses ex-collègues et de l’ambasseur de Chine au Bénin le 1er juillet 2021 et appréciée par les Béninois laisse déjà place à la déception et l’incompréhension au sein de la population qui s’interroge sur l’entretien de cet édifice imposant à Kouhounou (Cotonou).

Selon les chiffres du Gouvernement, la rénovation du Stade Mathieu Kerekou a coûté au total 13 milliards de Francs CFA. Après sa réouverture début juillet, il a accueilli la finale de la Coupe de la Confédération de la saison 2020/21 entre la JS Kabylie et le Raja Athletic Club deux semaines après. Beaucoup voyaient donc le Bénin « révélé » aussi au niveau de l’organisation de grandes compétitions sur le continent, comme le proclame le régime de Patrice Talon. Mais l’entretien catastrophique des installations du stade est devenu un handicap avec la non conformité de différents aspects pour accueillir les matchs de la Confédération Africaine de Football (CAF) et de la FIFA.

 

L’avertissement de la CAF

En juillet 2023, soit deux ans après sa rénovation, l’instance dirigeante du football africain qui a constaté une dégradation de certains outils, a relevé les insuffisances du stade Général Mathieu Kerekou et fait des recommandations à la Fédération Béninoise de Football (FBF) afin que celle-ci puisse les corriger pour éviter un retrait de l’homologation à l’enceinte sportive.

« L’un des problèmes majeurs est la qualité du gazon naturel sur le terrain dans l’aire de jeu, qui nécessite une attention et un traitement particulier. De plus, l’équipement dans les vestiaires, les installations médicales, la salle de conférence de presse et la tribune des médias sont quelques-unes des autres zones qui ne sont pas conformes aux normes requises pour accueillir des matches internationaux seniors de la CAF/FIFA. — La CAF a également reçu des informations selon lesquelles des travaux de construction sont en cours autour du stade, et cela a un impact négatif sur l’organisation du match de la CAF. Par conséquent, les autorités locales sont priées de veiller à ce que les travaux soient achevés dans les plus brefs délais et n’affectent pas les opérations de match dans les compétitions de la CAF« , avait indiqué la CAF dans sa correspondance à la FBF à l’époque.

Cette dernière a accusé réception de cette note de la CAF comme la révélé à Canal 3 Bénin, Claude Paqui, son secrétaire général : « Suite à notre match contre le Sénégal (score final 1-1, ndlr), une mission d’évaluation de la CAF s’est rendue au Bénin. Cette mission a fait des rapports et le 23 juillet 2023, nous avons reçu un courrier nous demandant d’améliorer un certain nombre de choses. Nous sommes conscients de l’importance de ce stade pour le football béninois. Nous allons travailler d’arrache-pied pour que le stade retrouve ses lettres de noblesse« , a-t-il promis en mars dernier au micro de Canal3 Bénin. Mais les lignes n’ont pas bougé.

 

Le Stade Général Mathieu Kerekou déclassé

La CAF et la FIFA ne constatant pas l’évolution des travaux de réfection, a décidé en avril dernier de déclasser le Stade, forçant ainsi l’équipe nationale à ajouter ses matchs à l’extérieur comme ce sera le cas ce mois contre le Rwanda (6 juin) et le Nigeria (10 juin) qui vont se disputer en Côte d’Ivoire. « Tout ce qui dépend du gouvernement pour la remise aux normes du stade (…) est en cours et (…) sera fait », a réagi Wilfried Léandre Houngbédji, porte-parole du gouvernement béninois après l’annonce du déclassement du stade GMK.

Dernièrement, le gouvernement a décidé « de concéder les infrastructures sportives aux grandes sociétés propriétaires de clubs« , peut-on lire dans l’une des décisions majeurs du Conseil des ministres la semaine dernière. Et c’est la CNSS (Caisse Nationale de la Sécurité Sociale), propriétaire de l’Association Sportive de Cotonou qui a gagné le lot : “L’offre de la Caisse est source de garantie d’une meilleure gestion ainsi que de la modernisation et de la mise en conformité de l’ouvrage avec les standards internationaux”, soutient le pouvoir béninois.

Toutefois , l’exécutif rappelle que « la gestion quotidienne d’une infrastructure sportive ne relevant pas du cœur de métier de la CNSS, elle procédera au recrutement d’une entreprise spécialisée pour son exploitation et sa maintenance avec à l’appui, un rapport annuel exhaustif au Gouvernement. »

 

La grogne des supporters

Au sein de la population, l’on ne digère pas du tout de devoir voir un match à domicile de l’équipe nationale se jouer à l’extérieur. « C’est du n’importe quoi ce qu’ils font avec ce stade« , peste un supporter des Guépards sous anonymat. Un autre ne comprend pas la légèreté avec laquelle le stade est gérée alors que l’État qui a construit 22 stades à travers tout le pays en 2022, investi beaucoup dans le sport et le football en particulier : « C’est inadmissible de gérer ce stade avec autant de légèreté. Ceux qui sont chargés des travaux doivent des comptes à l’État et à la population« , a-t-il asséné.

Un dernier souligne la contradiction qu’expose cette situation par rapport aux ambitions du régime Talon qui est de révéler le Bénin au monde entier sur tous les domaines : « C’est une contre publicité pour notre pays. Nous ne devons plus jouer à l’extérieur après autant de milliards investi« , a-t-il regretté.

Pour l’heure, Gernot Rohr et les Guépards vont devoir jouer sans leurs supporters mais chercher à se surpasser pour faire des résultats dans ces éliminatoires de la Coupe du monde en attendant que d’ici septembre et le début des éliminatoires de la CAN 2025, le stade Général Mathieu Kerekou retrouve son statut d’homologué et sorte de la liste des pays africains qui n’ont pas de stade homologué : Botswana, Burkina Faso, Burundi, Centrafrique, Djibouti, Ethiopie, Eswatini, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Kenya, Lesotho, Namibie, Niger, Ouganda, Sao Tomé et Principe, Seychelles, Sierra Leone, Soudan du Sud (va pouvoir jouer à domicile dans son nouveau stade contre le Soudan voisin ce mois), Tchad, Zimbabwe.

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